Comment résoudre l’équation inévitable entre le retour au présentiel et l’apparition des organisations hybrides ? Entre contraintes, dogmes, envie de liberté, crise de confiance, nouvelles aspirations des salariés ou bullshit, un tri est plus que nécessaire.
Nous avons vu naître au cours du premier confinement le fol espoir de voir apparaître un nouveau monde. Beaucoup désiraient profiter de cette situation pour commencer à penser et surtout à construire un nouveau monde. Force est de constater que la cible visée est bel et bien ratée.
Au sein du monde de l’entreprise, un rappel général des troupes en présentiel a été sonné :
« S’il vous plait, nous vous demandons de revenir au monde d’avant. » C’est tellement rassurant pour nous. Nous restons dans notre zone de confort et nous ne prenons aucun risque, surtout pas celui d’innover et de s’ouvrir à de nouvelles opportunités.
Certains ont même entendu de leur hiérarchie des commentaires intéressants : « Il faut revenir au boulot… La récréation a sonné… » ou bien pire « Les vacances sont terminées ! » Cela m’irise les cheveux que je n’ai plus sur la tête. Comment ça, les salariés n’ont pas travaillé pendant les confinements ? Le télétravail n’a pas fonctionné ?
Nous ne pouvons plus ignorer la capacité des salariés à s’adapter à cette nouvelle situation. Ils l'ont prouvé par leurs efforts importants. Faut-il encore souligner les difficultés qu’ils ont surmontés pour trouver l’équilibre parfait entre leur vie professionnelle et leur vie privé. Ils ont été au rendez-vous, ils ont répondu présent.
La crise sanitaire s’essouffle et maintenant il faudrait leur demander d’inverser la tendance ?! Pourtant un grand nombre de structures réagissent ainsi. Le monde d’avant est sécurisant. Surtout restons sur nos positions, c’est rassurant !!!
Selon un sondage de la société Génie des lieux¹, spécialisée dans l'aménagement d'espaces de travail, 48 % des personnes n’expriment pas l’envie de retourner au travail. Pour 76 % d’entre elles, le retour sur site est pour retrouver « une vie normale ». Nous remarquons que pour 82% des personnes, la peur de la contamination par le virus reste présente. Pour 75% des sondés, c’est suite à une pression managériale mais nous avons 20% des personnes qui envisageraient de changer de société si on leur imposait le présentiel. Si 1/5 des collaborateurs quittent une structure, imaginez les conséquences !
Allez contraindre des salariés qui ont redécouvert les valeurs de l’essentiel, le goût de l’important que maintenant, il faut « revenir » en entreprise, revivre des contraintes quotidiennes souvent complexes et couteuse sur le plan personnel. C’est sidérant !
Quid de l’innovation, de l’adaptation ou d’une évolution inévitable du monde du travail. La crise ne nous aura fait gagner qu’une dizaine d’année sur le télétravail. Cette transformation est incontournable. Le monde de l’entreprise prône l’innovation, l’adaptation permanente et les qualités de visionnaire afin d’anticiper et performer face à l’évolution du marché.
" Ce changement ne peut se faire seul mais en s’ouvrant à l’extérieur."
Du présentiel quotidien, replonger dans les transports, se noyer dans les embouteillages, supporter le stress de timing toujours de plus en plus serrés, recomposer et réadapter la vie de famille aux contraintes professionnelles ? Le challenge semble difficile et anxiogène. Les raisons de ce rétropédalage restent floues et inavouables pour beaucoup d’entreprises.
Par contre, il est heureux de voir d’autres structures continuer cette mutation et l’accompagner du mieux qu’elles peuvent. En prenant en compte les nouveaux enjeux d’un monde naissant, ces entreprises se sont engagées dans cette transformation afin de capitaliser au plus vite leur métamorphose. D’une situation imposée, elles ont transformé l’essai en consolidant leurs mutations.
Tout d’abord, pour certaines, elles ont su faire preuve d’une adaptabilité remarquable. Pour d’autres, elles ont demandé de l’aide et se sont faites accompagner dans la transformation. Nombreuses sont celles qui ont fait appel à des experts de la conduite du changement.
" Je préfère parler de richesse humaine plutôt que de ressource humaine."
Il est temps de véritablement investir sur une richesse inépuisable et constante de l’entreprise : l’humain. Je préfère parler de richesse humaine plutôt que de ressources humaines. La reprise et le rebond attendu ne se feront que part l’humain. Dans ces mois de télétravail, les salariés de bureau ont retrouvé le goût de l’essentiel. Ils ont revu l’équilibre vie professionnelle vie personnelle.
" Il paraît incontournable d’utiliser l’intelligence collective pour construire ensemble au cœur de l’entreprise une nouvelle organisation consensuelle et performante. "
Il faut que les entreprises accompagnent leurs collaborateurs dans ce nouveau système. La place du télétravail doit être revue et faire l’objet d’un encadrement spécifique. L’entreprise a besoin d’aide et de conseils. La structure doit aussi faire preuve de congruence, cette cohérence entre le discours et la pratique prend tout son sens aujourd’hui.
La solution de l’hybride apparait comme une solution adéquate face à ces nouveaux paramètres parce qu’aujourd’hui la mise en avant des capacités logistiques, techniques ou comptables sont les arbres qui cachent la forêt. Évoquer le nombre de jours travaillés ou le nombre de mètre carré loués est une fausse piste. La véritable problématique est la réorganisation du travail et la place de l’individu dans la structure. Alors, le surcoût des surfaces utilisées définies avant la crise n’a plus de sens aujourd’hui. C’est une refonte immobilière qui s’annonce. Bien évidemment, pour baisser les coûts, les entreprises n’ont plus forcément besoin d’autant de surface, alors elles doivent réinventer la nature et l’organisation des locaux.
" Mais en aucun cas le retour au bureau doit être érigé comme un dogme. "
Il reste quand même des constantes fortes sur le « retour au bureau ». Retisser le lien social, rompre la solitude, utiliser l’intelligence collective en présentiel pour retrouver la force des échanges, cette magie disparait souvent en distanciel. Nous pouvons aussi imaginer que pour certains, il est nécessaire de retrouver un espace de concentration, impossible à la maison. Beaucoup attendent de revivre des moments conviviaux qui cimentent les liens entre collègues, retrouver une confiance que la distance a progressivement effacé mais, en aucun cas, le retour au bureau doit être érigé comme un dogme. Rien ne justifie de l’avancer comme une vérité incontestable. Cette position n’est utilisée que dans une intention de vérification, ou pire, de sanction. La présence au bureau est avancée comme une garantie d’innovation et de créativité. C’est deux critères appuieraient le sentiment d’appartenance, l’adhésion à la culture d’entreprise et renforceraient la productivité. Les dirigeants de grandes structures américaines comme Goldman Sachs² ou Apple³ considèrent le distanciel comme une aberration. Le présentiel est une chose qui ne se discute pas.
" Pour renforcer son écosystème, l’entreprise se doit d’être créative et innovante."
Cela me laisse interrogatif sur les capacités d’adaptation, de conduite du changement chez ces leaders. L’absence de confiance est au cœur de cette politique. Pourtant il est avéré que dans de nombreuses entreprises, le choc de la crise fut absorbé par la capacité de leurs salariés à conserver la même qualité de services qu’avant la crise. Ce manque de flexibilité du travail à distance va entraîner une inévitable vague de démission car les salariés vont se trouver en position de conflits entre leur vie de famille, le bien-être et l’adhésion aveugle à la culture d’entreprise. Il apparaît que la mise à distance du collaborateur ou la bascule dans le chômage technique a permis une prise de recul et une étude du sens du travail au sein de leur vie. La preuve est faîte dans les difficultés de recrutement que rencontrent de nombreux secteurs aujourd’hui. L’augmentation des rémunérations ne formalise pas l’unique solution à cette désaffection. C’est aussi dans l’organisation du travail, le sens de celui-ci et l’équilibre entre la vie personnelle et professionnelle que les solutions existent.
Ainsi, il parait intéressant de construire en collaboration avec les salariés des solutions hybrides adaptées à leurs réalités et leurs besoins. C’est dans cette position de partenariat que les solutions apparaitront. L’application de solutions toutes faites me parait illusoire. Chaque cas mérite une réflexion individualisée pour adapter au mieux son système aux nouvelles contraintes du présent. Il me paraît incontournable d’utiliser l’intelligence collective pour construire ensemble au cœur de l’entreprise une nouvelle organisation consensuelle et performante.
Pour renforcer son écosystème, l’entreprise se doit d’être créative et innovante. Elle doit résoudre les contradictions entre sa culture d’entreprise et les attentes personnelles du collaborateur. Cette équation peut trouver certaines solutions en interne mais l’apport d’intervenants externes favorise une vision plus large et plus consensuelle à la structure. Pour retisser le lien entre son système, ses hommes et femmes, l’entreprise ne peut se priver de l’accompagnement aux changements et aux renforts à la transformation de son organisation.
Christophe Melquiond
Consultant - Coach - Formateur
Sources :
↑ ¹ Sondage issu de la société Génie des lieux :
↑ ² Goldman Sachs called remote work an aberration : https://www.forbes.com/sites/robertglazer/2021/05/11/the-ceo-of-goldman-sachs-called-remote-work-an-aberration-heres-why-his-employees-may-disagree/
↑ ³ Apple :
et
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