Un des bénéfices de la crise, s’il doit en avoir un, c’est bien le questionnement sur le management. Après dix-huit mois de crise sanitaire et d’intensification du télétravail, le monde de l’entreprise connaît parmi les salariés une volonté de vent nouveau. Alors véritable lame de fonds ou juste une tentative désespérée, le management est-il en cours de transformation bienveillante ?
En pleine reprise d’activité économique, le sujet du management post crise s’installe au cœur des débats. Nous ressentons bien le besoin de bousculer ces positions et d’ouvrir de nouvelles voies. Les salariés expriment des demandes fortes au nom de leur bien-être. Ce qui n’est pas incompatible avec la performance de l’entreprise.
" La bienveillance est une nature et une attitude, sans concession, ni efforts quelconques."
Quant à la bienveillance, comme beaucoup de termes dans notre société moderne, elle est victime d’un phénomène de mode. Similaire à l’usage exagéré des termes de résilience ou d’empathie, ces mots sont dénaturés de leur sens profond pour répondre à ce besoin perpétuel d’être captivant au cours des dîners.
Nous verrons que loin d’un concept galvaudé, la bienveillance est une nature, une attitude quotidienne, sans concession, ni efforts quelconques.
La bienveillance est la résultante de plusieurs composantes. C’est une pratique, une attitude et une posture témoignant d’une forte empathie, d’une écoute attentive et silencieuse, d’une grande qualité d’échange et de dialogue, de prendre soin des autres et de soi-même, d’une transmission de responsabilité, de faire confiance à l’autre, de donner le temps ou de le prendre pour soi.
C’est un mélange subtil de ses différents éléments qui constitue un management bienveillant.
Afin de vous éclairer sur ce concept, je vous propose un quinze majeur qui vous permettra d’exploiter au maximum la bienveillance dans votre management.
1. De l’empathie, tu feras tienne.
Une des principales Softskills que le manager doit posséder est bien l’empathie. Cette capacité de s’identifier à autrui dans ce qu’il ressent, lui permet de rentrer en connexion avec les personnes. Il est primordial de capter les émotions de ses interlocuteurs pour affiner au mieux sa posture, son discours ou ses actions.
2. Une écoute active et silencieuse, tu pratiqueras.
Pour intensifier la qualité de ses informations, il est important pour le manager d’utiliser une écoute active. Chaque instant de communication avec ses salariés devient un moment riche de données. Se concentrer sur les paroles permet de récolter un grand nombre de renseignements, que ceux-ci soient verbaux ou non verbaux. Il est aussi important de souligner que l’usage du silence vient apporter un apport supplémentaire d’information. Avec l’espace qu’il offre, le silence offre une possibilité pour le salarié d’en dire plus, de se sentir plus libre et en confiance.
" …favoriser les moments d'échange est pour le manager un de ses outils de travail."
3. L’échange et le dialogue, tu favoriseras.
C’est pour cela que favoriser les moments d’échange est pour le manager un de ses outils de travail. Sans jamais devenir omniprésent, ces interactions, en dialogue ou en réunion sont à privilégier. Le dialogue concis, apporte un espace d’amélioration et de sérénité nécessaire à l’atteinte des objectifs fixés. La Process Communication Model® 1 est un outil performant dans ce cadre là.
4. De la congruence, tu établiras.
Donner du sens à son activité revient au cœur des préoccupations des salariés. Le manager a la nécessité de mettre en phase ses paroles et ses actes. Ce n’est pas un phénomène nouveau, mais il prend plus d’importance que dans les périodes passées. Cette cohérence donne du sens. C’est un point qui, aujourd’hui, est mis en avant par le monde salarial. Adhérer sans réfléchir à une culture d’entreprise n’est plus d’actualité. En revanche, trouver du sens dans son travail et aligner ses valeurs avec ses actions prend de l’importance. Le manager doit donc faire preuve de congruence vis-à-vis de lui-même et ses collaborateurs.
5. De la confiance, tu donneras.
La valeur confiance se travaille. La défiance est souvent l’a priori du manager qui attend du résultat pour évaluer. Il attend d’avoir une idée du résultat avant de donner sa confiance dans son collaborateur. Avec ce postulat, il est bien plus difficile de générer la confiance dans un second temps puisque l’ancrage est créé : « Mon chef contrôle et ne me fait pas encore confiance ». La confiance se communique en amont en acceptant que la tache déléguée sera traitée par votre collaborateur avec son intention de bien faire. S’il génère des erreurs et que le résultat n’est pas atteint, vous aurez l’occasion de l’aider à grandir de cette épreuve. L’étape suivante sera de communiquer une consigne claire qui évitera la reproduction de l’erreur sans stigmatiser la non atteinte du résultat. Alors, le climat de confiance sera établi.
" Le management bienveillant est un véritable état d'esprit."
6. De l’attention à autrui, tu accorderas.
Les principales constituantes de ce management sont l’empathie et le compromis. L’autorité brute et pure est à bannir dans cette démarche. Nous remplaçons cette position autoritaire par l’éclairage du sens de son activité pour soi et pour ses collaborateurs.
Accorder du temps à ses collaborateurs, poser sur eux une attention plus forte, avec du respect, de l’intérêt franc et démonstratif améliore grandement sa reconnaissance de manager fédérateur, inspirant ou charismatique.
Ne craignons pas de faire preuve de tolérance et même de bonté envers les autres. L’avis de ses subordonnés est à prendre en considération car nous voulons avec ce management instaurer une relation de confiance. Elle nous permettra de construire des interactions fortes et des prises de décisions communes et partagées.
7. Exemplaire, tu te montreras.
Le manager se doit d’être exemplaire dans ses attitudes et sa posture. Il est aussi source d’inspiration sur cette thématique. Il met en pratique tous les préceptes qu’il défend. Il devient un exemple à suivre. Il donne le cap à suivre. Il est le principal ambassadeur de cette méthode.
Cette exemplarité est celle du sens et de l’alignement à ses valeurs. Elle ne devient pas l’occasion d’imposer ses propres dispositions à l’ensemble de son équipe. Elle devient un guide sur les attitudes et la cohérence à mettre en œuvre.
8. De la responsabilité, tu délégueras.
Une des forces du management bienveillant est qu’il responsabilise le salarié. En étant à côté de lui, nous l’aidons à progresser tel un père qui accompagne son enfant sur son vélo la première fois qu’on lui retire les petites roues. Il faut laisser une marge de manœuvre au collaborateur parce que nous ne voulons pas l’infantiliser.
Nous ne devons faire à sa place mais le laisser se confronter au risque de se tromper. Parce que l’échec a aussi des vertus, notamment dans l’apprentissage et l’acquisition de nouvelles compétences. L’erreur devient une opportunité d’apprentissage et d’amélioration. Le culte de la réussite permanente n’est plus l’unique condition. Nous abaissons la pression managériale sur la personne et nous libérons ainsi sa confiance et sa prise d’initiative.
La responsabilisation valorise le collaborateur. Cela lui renvoie de la reconnaissance, lui procure de la confiance venant de sa hiérarchie. Ainsi, reconsidéré il est plus à même de prendre des initiatives, de développer sa créativité et d’oser entreprendre. Dans cette posture, nous exprimons notre optimisme et nous développons la confiance envers nos subordonnés. Ils mesurent et apprécient cette attitude. Ils n’hésitent pas à nous le rendre avec plaisir.
" Ainsi, chaque management devient unique car il est représentatif des qualités humaines d’un manager."
9. De l’équité, tu feras preuve.
Face au groupe, le manager bienveillant applique un juste traitement. C’est en utilisant ce respect absolu de ce qui est dû à chacun qu’une confiance se construit. Un traitement identique mais restant personnalisé renforce ses propres discours et ses relations avec l’équipe. C’est ainsi que se bâtit ce climat de confiance.
Cela ne constitue pas une méthode dogmatique et unique. Ce management nous amène à construire notre propre management parce qu’il s’appuie sur notre personnalité. Nous incluons beaucoup de nous-même dans cette démarche. Ainsi, chaque management devient unique car il est représentatif des qualités humaines d’un manager.
10. Le temps, tu prendras.
Un des axes importants de ce management est la relation au temps que nous possédons. Nous évoluons dans un monde en hyper vitesse et qui n’aspire qu’à une chose, c’est d’aller encore plus vite. Faire plus vite, obtenir plus vite, gagner plus vite, c’est une course éperdue en avant ou la célérité est la règle d’or.
A l’inverse, faire du management bienveillant, c’est inverser la tendance. L’accompagnement, l’écoute, les échanges ou les partages ont besoin de temps. Cela permet de valoriser ces moments et d’atteindre des résultats plus profonds, plus forts, de façon plus pérenne. Rien ne peut se faire correctement dans la précipitation. C’est une démarche de bâtisseur. Le temps devient un allié puissant et fondamental dans l’atteinte des objectifs fixés. Prendre le temps n’implique jamais la procrastination ou le désengagement d’une responsabilité ou d’une prise de décision. Ralentir, nous permet d’affiner nos analyses, aiguiser nos décisions, et développer notre leadership par une posture calme et sereine.
11. Disponible, tu seras.
Dans la même lignée que prendre le temps, cette posture bienveillante, nous conduit à accorder une attention particulière à notre disponibilité. Tout au long de la journée, nos équipes peuvent nous interpeller, nous interrompre à tout moment. Accueillons les avec intérêt et une posture d’ouverture.
Il est important, quand c’est possible, d’interrompre clairement la tâche qui nous occupe. Montrons qu’ils deviennent notre principal centre d’intérêt à cet instant. Cette brusque rupture est rassurante et forte de signification. C’est une preuve de la valeur que nous avons envers nos collaborateurs. Cela renforce la confiance en eux et en nous. Quant au contraire, les impératifs ne nous invitent pas à accorder un moment avec nos collaborateurs, alors informons les de l’importance de rester sur notre mission mais que nous leur proposons un autre moment, identifié ensemble. Le but est de ne pas déclencher de la frustration, ni un quelconque manque de considération. Notre disponibilité est une force fédératrice qui rassure et valorise notre management.
" ...la boucle vertueuse de l’optimisme est une dose de vitamine C++ pour vos équipes."
12. Dynamique, tu resteras.
Si vous désirez voir du dynamisme dans votre équipe, si vous souhaitez ressentir de l’énergie et de la volonté au sein de vos collaborateurs, le détonateur c’est vous. Nous entendons parfois que l’on mérite l’équipe que nous avons. C’est pour cela qu’il est important de porter ce dynamisme. Être le principal acteur de ce mouvement invitera par mimétisme les personnes à adhérer à cet élan. Cette position est fondamentale si vous voulez insuffler de l’énergie dans votre activité. Souffler de l’énergie positive est un vent de dynamisme chez vos collaborateurs et une tempête de réussite à venir.
13. De l’optimisme, tu diffuseras.
Cultivez l’optimisme dans votre structure ! Cette posture est un tigre dans votre moteur. Trop souvent le contexte, la routine, les difficultés entraînent une perte de moral. La sinistrose s’installe et une spirale de défaitisme, de manque de confiance et d’estime de soi s’enclenche. Pour inverser la tendance, la boucle vertueuse de l’optimisme est une dose de vitamine C++ pour vos équipes.
Être volontaire et enthousiaste est un fédérateur naturel qui invite à une adhésion sans conteste. Essayez un sourire, un regard brillant, une main sur l’épaule accompagnée par les mots : « Rien ne nous est impossible ! Je peux compter sur toi ? Nous y allons ensemble ? Ok alors c’est parti !!!»
14. Dans la sérénité, tu évolueras.
Le doute, la crainte et la peur sont des sentiments très forts. Ils se diffusent trop vite. Ils se communiquent facilement. Les collaborateurs les identifient et les ressentent quand ils les reconnaissent chez leur manager.
Il ne s’agit pas de se modifier ou se grimer mais tout simplement de reprendre le contrôle de ses émotions et d’en minimiser l’impact sur notre entourage. Nous pouvons aisément communiquer sur les sentiments que nous traversons. C’est plutôt une prise de recul sur son état émotionnel et de diffuser du calme et de la sérénité. L’équipe s’adapte aux comportements de son manager. Et pour certains, ils se calquent même, voire reproduisent l’état de leur manager.
Reprendre le contrôle de ses émotions, les partager et diffuser de la sérénité est bénéfique pour l’ensemble des collaborateurs. L’amélioration du climat et de l’ambiance de travail est un facteur essentiel dans le quotidien au travail.
15. Le meilleur ambassadeur, tu rayonneras.
Il est toutefois intéressant de noter que la bascule vers ce management est souvent la résultante d’une expérience managériale autoritaire. Nombre de manager bienveillant ont été la victime de supérieur Control Freak, narcissique ou manipulateur qui malheureusement ont laissé des traumas importants à leurs subordonnés. Ces adeptes du harcèlement moral mettent en péril l’entreprise vis-à-vis de la législation.
De plus, ils conduisent les salariés directement vers un burn-out ou un Brown out. Ils ne provoquent qu’une spirale négative et un phénomène de rejet. Le pire étant de dégouter littéralement une personne d’une profession à laquelle elle a aspiré longtemps ou consacré sa vie. Sans le vouloir, ils favorisent l’émergence de nombreux ambassadeurs du management bienveillant.
J’ai l’exemple d’un entraîneur de rugby de haut niveau qui répondait à la question suivante :
- Qu’avez-vous retenu de votre prédécesseur pendant que vous étiez son adjoint ?
- Il a été une véritable source d’inspiration pour moi. Il m’a montré tout ce qu’il ne fallait pas faire. Je ne veux absolument pas être ce type de manager.
Exemple terriblement évocateur ! Il vient juste d’amener son équipe au titre de champion et accéder à la division d’élite de son sport.
La recherche du management bienveillant est d’apporter au salarié un épanouissement professionnel. Le conduire vers un bien-être quotidien constitue un objectif. Ce qui participe à la motivation intrinsèque du salarié. Il prend conscience de son action et obtient des retours gratifiants. Il trouve ainsi sa juste place, sans excès, ni effets minimisant. Plus jamais il ne ressentira un sentiment de nullité ce qui est incompréhensible dans le monde du travail.
Le manager a juste à gérer ses subordonnées avec attention, sérénité, justesse et équité. Il développe la confiance. Il utilise une écoute active et silencieuse, en aucun cas, il interrompt son interlocuteur. Il adopte une attitude optimiste et positive. Sa force est de s’appuyer sur des faits et uniquement sur des faits. Il engendre ainsi un regard objectif sur le manque de résultat que ce soit qualitatif ou quantitatif. Son objectif est d’identifier ensemble des obstacles ou des freins et de pouvoir élaborer en commun des solutions efficaces. Issu de l’analyse transactionnelle, il a des échanges d’adulte à adulte.
Pour aller plus loin, l’ambition est de mettre le facteur humain au centre de la réussite de l’entreprise. Le salarié évolue de simple exécutant en un acteur fort et reconnu dans le système de sa société. La culture d’entreprise s’imposait à ses employés. Aujourd’hui, cette culture doit prendre en compte les besoins individuels du salarié, son bien-être au quotidien.
Loin d’être une utopie, le management bienveillant répond à une demande bien réelle. Par sa constitution, Il replace l’humain au centre des préoccupations de l’entreprise et des managers. Il est évident qu’il propose une rupture nette avec la vision d’un management uniquement topdown. Face aux enjeux du présent et à venir, il procure une véritable opportunité d’avoir la meilleure posture managériale des nouvelles générations et des aléas du futur.
Christophe Melquiond
Consultant - Coach - Formateur
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